mercredi 30 décembre 2015

Hier, j'ai voulu me tuer.

En fait, ça ne date pas d’hier. J’ai toujours eu cet élan morbide d’autodestruction. Plus petite, très croyante, je m’imaginais que je me transformerais ainsi en ange qui vole au-dessus de tout le monde. Avoir les avantages d’être en vie, mon esprit resterait immortel, tout en profitant de la sérénité et de l’insouciance des gens morts. Je n’aurais plus à fermer la porte de la salle de bain, appuyant de toutes mes forces sur le verrou jusqu’à ce que mes doigts cèdent.
Dans ces moments là, souvent juste avant que le tournevis devienne plus fort que moi, je demandais à Dieu pourquoi il me détestait tant alors que je n’étais qu’une enfant. On dit que les parents sont les représentants de Dieu sur terre, car c'est par leur biais que nous naissons. C'est pourquoi j'étais intimement convaincue que si mon père me détestait tant, c'était à cause de Dieu.
Et ça a recommencé. Trop de fois. La même colère, la même angoisse, cette même course dans le couloir, à travers tout l'appartement. Parfois vers la salle de bain, parfois vers les toilettes. Et tout le monde criait. Au fur et à mesure, l'amour si profond que j'avais développé pour Lui ne suffisait plus à atténuer mon indignation. Alors, comme lui, je me suis mise à le haïr. Et plus je le haïssais, plus je Le haïssais. Alors, être morte c’était le meilleur moyen de savoir qui m’aimait vraiment. Je pourrais assister à mes propres funérailles, et voir tous ceux qui pleureraient ma mort, tous ceux à qui je manquerais quotidiennement. Je volerais au-dessus d'eux, ceux qui m'aiment. Et leur amour me suffirait.



J'ai toujours eu envie d'amour. J'en avais tant à donner. Et alors que Dieu m'avait abandonnée, bien que moi je L'adorais, j'ai découvert assez vite que je pouvais aimer d'autres choses, les gens plus particulièrement. En primaire, je suis tombée amoureuse de Thomas. Il était eurasien, et c'est à peu près tout ce dont je me souviens aujourd'hui à propos de lui. Mais le sentiment qu'être amoureuse me procurait, c'était indescriptible. Comme si soudain tout était possible, même d'oublier les courses dans le couloir.  Les idées foisonnaient dans ma tête. Je voulais danser, dessiner, chanter, rire, sauter, être la meilleure pour l'impressionner. Bien que notre relation eut principalement existé dans mon esprit - cela marquant le début de ma tendance érotomane - elle m'a apporté tout le bonheur qui me manquait quand je rentrais chez mes parents. Et cette réalité là n'avait soudainement plus d'importance.

D'année en année, mon seul souhait était de tomber amoureuse. Pourtant, je ne cherchais pas à construire de relation avec qui que ce soit. Je voulais simplement être amoureuse. En fait, je pense que je cherchais justement une relation impossible. C'est dans le rejet de l'autre que  je m'épanouissais. Cela m'a en fait poussée à devenir meilleure, à apprendre tout et n'importe quoi, juste pour impressionner. Je devais devenir incontournable, la personne en qui il fallait se tourner pour les devoirs, le joker sous-fesse à l’élastique, l'orthographe, les maths, l'anglais, la musique, le violon, la roue, le grand écart, la comédie, les blagues, remonter le moral, la cuisine, les ordinateurs, la joie de vivre ; je souhaitais savoir tout faire. Je devins attirée par tous ceux qui étaient passionnés par des sujets qui étaient hors de ma portée. Et à chaque rejet, je m'imaginais les nouvelles compétences qui me manquaient pour pouvoir être acceptée. Cette course effrénée vers la perfection s’avérera malsaine, et c'est ce qui m'aura menée sur la falaise hier.

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